Un projet de loi envisagerait de restreindre les locations Airbnb dans les centres-villes historiques

Les élus avancent, la rue murmure, les valises restent ouvertes. Un projet au Parlement promet de rebattre les cartes du tourisme urbain. Au cœur des débats, des centres-villes patrimoniaux où les portes d’Airbnb claquent plus souvent que celles des voisins. Entre respiration locale et économie d’appoint, la frontière devient fine, presque tangible au détour d’un escalier en pierre.

Les pierres parlent, les loyers aussi, et les voyageurs encore plus. Les maires réclament des outils, les hôtes des garanties, les habitants un équilibre. L’État, lui, regarde la carte du pays et tente un cadre qui s’adapte aux rues, aux façades, à la vie des quartiers.

« Les citadins n’ont pas à choisir entre dormir et partir », lâche une élue, le regard tourné vers une Place classée à l’UNESCO. Dans les couloirs, les négociations s’affinent, mais le temps presse comme une saison qui ne finit plus.

Ce que prévoit le texte

Le cœur du dispositif viserait à limiter les locations de courte durée dans les zones patrimoniales les plus denses. Plusieurs leviers sont cités : plafonnement des nuitées, durcissement du changement d’usage, et création de « zones rouges » réservées à l’habitat permanent. Les communes pourraient activer ces outils selon des indicateurs de tension.

Côté hôtes, la résidence principale resterait louable, mais sur une durée abaissée, avec une traçabilité plus fine. Les résidences secondaires, elles, subiraient des quotas plus sévères, voire un moratoire dans certains périmètres. « Nous voulons des règles simples, mais fermes », avance un rapporteur prudent.

Les plateformes seraient mises à contribution pour vérifier l’éligibilité des biens et transmettre des données standardisées aux mairies. Des amendes plus salées sanctionneraient les annonces hors cadre. Le gouvernement promet un guichet unique pour réduire la paperasse des hôtes.

Les arguments des partisans

Pour les soutiens, le texte répond à une urgence sociale. « Le cœur des villes ne doit pas devenir un décor », insiste une association de riverains. La vacance touristique ferait grimper les loyers, pousserait des familles vers la périphérie, et fragiliserait l’école du quartier.

Les maires invoquent aussi la diversité commerciale. Trop d’appartements dédiés aux visiteurs, et c’est l’épicerie qui ferme. Un adjoint résume : « Protéger la vie locale, c’est préserver la ville que les voyageurs viennent chercher ». L’argument patrimonial se double d’un enjeu climatique, en faveur d’un tourisme plus sobre.

Les craintes des opposants

Les hôtes indépendants redoutent une stigmatisation. Beaucoup racontent un complément de revenu pour boucler le budget, financer des travaux, ou absorber une hausse de taux. « On nous confond avec des fonds immobiliers », proteste une propriétaire qui loue sa chambre trois mois l’an.

Les plateformes parlent d’une atteinte à la liberté d’entreprendre et à l’attractivité. Moins d’offres signifierait des prix hôteliers plus élevés et une moindre capacité en haute saison. Les villes touristiques craignent une baisse de recettes locales si les séjours se raccourcissent.

Ce qui changerait selon les villes

Ville Règles actuelles Mesures envisagées Impact pressenti
Paris 120 jours résidence principale, changement d’usage strict Plafond à 90 jours, « zones rouges » hypercentre, quotas Plus de logements long terme, baisse revenus hôtes
Lyon Déclaration, interdictions partielles en Presqu’île Extension des interdictions, contrôle renforcé Stabilisation des loyers, moindre rotation touristique
Bordeaux Déclaration + compensation du changement d’usage Seuils plus stricts, plafond de nuitées Diversification hôtelière, regain pour les locataires
Avignon Règles souples, forte saisonnalité Zone patrimoniale protégée, moratoire ciblé Protection du commerce local, offres plus sélectives

Quelles conséquences pour les voyageurs et les hôtes ?

  • Moins d’annonces en hypercentre mais plus de clarté, avec une montée en gamme en périphérie et un retour de baux moyens termes.

Pour les hôtes, une transition s’ouvre : optimiser la résidence principale, migrer vers la location meublée classique, ou mutualiser la gestion à l’échelle d’un immeuble avec des règles internes. Celles et ceux qui respectent déjà les cadres devraient s’adapter sans drame.

Côté voyageurs, l’offre se déplace. Les prix pourraient monter en centre, mais reculer en quartiers voisins. Les hôtels et auberges pourraient combler une part du manque, tandis que les séjours s’allongeraient pour rentabiliser le déplacement.

Les clés juridiques à surveiller

Le diable est dans les décrets. Le calibrage des « zones rouges », la définition d’une résidence principale, la portée des amendes, tout cela fera la différence. Les communes devront prouver la proportionnalité des mesures, pour éviter des recours à répétition.

Le partage des données reste sensible : respect du RGPD, délais de transmission, et interopérabilité entre mairies et plateformes. Une architecture technique claire conditionnera la réussite du contrôle.

Et maintenant ?

Le texte part en commission, avant un vote en séance puis un aller‑retour au Sénat. Si le calendrier tient, une application progressive pourrait débuter avant la prochaine haute saison. Les mairies auront quelques mois pour cartographier les périmètres et déployer des guichets.

Rien n’est figé, mais la tendance est nette. La ville veut redevenir une adresse avant d’être une destination, un voisinage avant un marché. Reste à écrire, avec précision et mesure, le mode d’emploi de cette nouvelle cohabitation.