Des sangliers en surnombre ravagent les vignes en Bourgogne

Les vignes de Bourgogne subissent une pression inédite. La surabondance de sangliers, nourris par des paysages agricoles généreux et des hivers cléments, s’invite désormais jusque dans les parcelles les plus soignées. Chaque aube révèle des empreintes, des ceps arrachés, des rangs labourés comme après un orage. “On se réveille en comptant les trous, pas les grappes”, soupire un vigneron de la Côte de Nuits.

Une pression qui grimpe

Les comptages évoquent une dynamique rapide, soutenue par des portées plus nombreuses et une mortalité plus faible. Les forêts et friches entretiennent des corridors qui relient les massifs aux versants viticoles. “L’espèce s’adapte avec une agilité redoutable”, observe une écologue locale, pour qui la plasticité alimentaire du sanglier le rend “plus urbain que sauvage par moments”.

L’équilibre classique entre chasse, ressource alimentaire et climat s’est gentiment décalé. Un chevreuil est circonspect, un sanglier est collectif: en quelques heures, une compagnie entière transforme un rang prometteur en friche beurrée.

Des dégâts au quotidien

Les animaux cherchent la fraîcheur du sol, retournent les interrangs, brisent les pieux, ouvrent les clôtures improvisées. Les jeunes plants sont ciblés pour leurs racines tendres, les raisins à maturité pour leur sucre. “Ils n’ont pas de carte des climats, mais un flair impeccable”, ironise une viticultrice.

Au-delà de la perte directe, les dégâts favorisent des maladies et imposent des retards de travail. On recompacte des sols, on répare des palissages, on surmultiplie des heures invisibles. Les coûts sont réels, les nerfs à vif.

Pourquoi la population explose

Quatre ressorts se superposent. Des hivers plus doux limitent la mortalité. Les mosaïques agroforestières offrent abri et nourriture. La chasse, pourtant active, reste contrainte par les calendriers, la sécurité des riverains, et la dispersion des territoires. Enfin, l’absence de prédateurs naturels significatifs laisse la dynamique filer.

“On régule, mais on colmate une brèche trop large”, admet un responsable cynégétique. Côté préfecture, on parle de “coordination à intensifier” et d’“outils adaptés aux secteurs sensibles”.

Quelles ripostes sur le terrain

Les domaines combinent des solutions, souvent en mode bricolage chic. On mixe dissuasion, clôtures, présence humaine, et appuis administratifs.

  • Clôtures électriques temporaires autour des parcelles les plus à risque, renforcées en période de véraison, avec veille nocturne partagée entre voisins.

“Rien ne marche seul, tout fonctionne en mosaïque”, résume un chef de culture.

Tableau comparatif des options de protection

Méthode Efficacité perçue Coût estimé Contraintes clés Effets biodiversité
Clôture électrique mobile Élevée Moyen à élevé Entretien, vandalisme, passages faune Impact faible à modéré
Répulsifs olfactifs/sonores Variable Faible à moyen Habituation rapide, renouvellement Impact faible
Veille humaine nocturne Moyenne Coût humain élevé Fatigue, sécurité, coordination Neutre
Renforcement de la chasse Moyenne à élevée Faible (opérat.) Sécurité, calendrier, voisinage Variable selon zones
Piégeage ciblé (agrainage) Moyenne Moyen Réglementation, savoir-faire À surveiller localement
Chiens de protection Moyenne Moyen à élevé Dressage, voisinage, assurance Peut perturber la faune
Indemnisation/assurance Nulle sur dégâts Variable Dossiers, délais, plafonds Sans effet écologique

“Les clôtures protègent ce qu’on a de plus fragile; la chasse réduit la pression globale”, résume un maire de vallée. L’important est la synchronisation entre communes, chasseurs et vignerons, avec partage de signaux d’alerte.

Argent, vin et réputation

Chaque hectare dévasté coûte en manœuvres, en perte de rendement, en qualité altérée par des raisins blessés, et en temps soustrait aux gestes fins. Sur un millésime tendu, une parcelle meurtrie peut peser sur les assemblages, déplacer des équilibres, et rogner une marge déjà comprimée par l’énergie, le verre, la logistique.

Les visiteurs voient la beauté des coteaux, pas la fatigue nocturne. “On vend du temps long, mais on vit des urgences courtes”, souffle une vigneronne. Dans un marché mondialisé, la capacité à assurer les volumes promis compte autant que la poésie des terroirs.

Vers une stratégie de paysage

La réponse la plus durable ressemble à une ingénierie de territoire. Éclaircir certains lisières, ajuster l’agrainage, mutualiser des clôtures permanentes sur les périmètres les plus exposés, ouvrir des passages faune pour éviter l’effet piège, et intégrer des dispositifs d’alerte partagés.

Un cadre réglementaire souple, des subventions ciblées, et une médiation locale peuvent transformer la défense quotidienne en prévention collective. “Ce n’est pas une guerre contre le sauvage, c’est une négociation permanente”, insiste une écologue. Entre respect du vivant et sauvegarde du travail, la vigne cherche sa ligne de crête.